mardi 30 décembre 2008

Ne cachez pas ce sein que je voudrais voir ...

Si le pochoir est un mode d’expression simple et direct, la sexualité en est un autre tout aussi, heu, simple et direct … Il est donc attendu que la vue d’un pochoir à caractère un peu olé-olé élicite chez le badaud des associations d’idées vite vagabondes. L’esprit du baladeur urbain devient alors le champ d’interactions « intellexuelles » aléatoires dont l’issue est à la fois terriblement personnelle (mon psyché-sexe est seul mien) et complètement jetée dans le monde (puisque nous opérons ici dans un espace public). Chaque expérience est une récompense riche et unique. Aussi, je ne résiste pas à la tentation de vous narrer le saute-mouton (il y a donc bien quelqu’un qui se fait sauter dans l’histoire) cortical déclenché par le pochoir illustré ci-contre et trouvé rue du Pène, à l’extrémité canaleuse du quartier Dansaert. On y va ? On s’accroche. Observation : La donzelle pochée exhibe ses attributs mammaires, ce qui m’a fait penser à une enquête de la firme Teenage Research Unlimited en 2008 indiquant que 22 % des jeunes filles de 13 à 19 ans et 36 % des jeunes femmes de 20 à 26 ans ont déjà posté des photos d’elles-mêmes à poil ou à semi-poil (semi-naked ) sur l’intertoile. Question : Se pourrait-il que la jeune fille du pochoir n’ait pas de portable équipé d’une fonction MMS et/ou n’ait pas de connexion en-ligne, pour que le seul moyen qui lui reste pour dévoiler ses atours poitrinaires soit une porte d’entrepôt ? Allons de l’avant … Constatation : L’auteur du pochoir étant le collectif CUM*, je me rappelle aussi qu’en argot anglo-saxon, cette charmante déformation de « (to) come » signifie sperme, éjaculation et orgasme (l’homme averti et expérimenté pratiquant la différence entre les deux derniers effets). Donc nous avons maintenant deux traits sexuels secondaires féminins et un trait sexuel primaire masculin, ce qui nous amène très logiquement à … Association : Ben oui, la mazophallation (avec un z, mais vous pouvez également regarder à mammagymnophilie et à cinépimastie), c’est-à-dire la masturbation du pénis du compagnon entre les seins de la compagne (il faut être deux, normalement, ou alors être un she-male particulièrement souple). Branlette espagnole quand le truc-machin pointe vers le haut et cravate de notaire quand le machin-truc pointe vers le bas … Va-et-vient dans les deux cas, aussi sûr que celui du pène dans la gâche d’une serrure … Re-association : Regardez un plan des rues du quartier, la rue du Pène est bien dans la prolongation de la rue de la Serrure. Je n'invente rien.
Le collectif CUM*, écartelé entre une exposition passée à Toronto à une exposition future à Los Angeles, n’ayant pas répondu à mes demandes d’explications, j’en déduis - puisque CUM signifie également « puisque » dans une langue morte amie (ou « avec », ce qui sonne plus bruxellois) - que rien ne se poche jamais par hasard. Le libidineux n’est pas celui que l’on croit. La preuve, cet autre pochoir de jeune femme, ci-contre, exhibant ses glandes au coin de la rue Philippe de Champagne et de la rue du Midi. Champagne comme le bouchon qui fait POP ! à grand flot de mousse … Et Midi comme la zone amoureuse d’une midinette. Association : ... Hum, je dois vraiment continuer ? Parce que le mouton, là, me signale qu'il fatigue un peu.

mardi 23 décembre 2008

Bande de vandales !

Le Mos Def du Dude (rue des Pierres) défacé, le rat mort de VGT (rue de la Poissonnerie) étoilé … Deux actes d’une violence insoutenable ont été perpétrés contre des pochoirs récemment célébrés dans ce blog ! La raison, le motif de ces actions tragiques échappent à tout entendement. Autant nous pouvons comprendre la démarche d’un hurluberlu qui, en crevant une toile d’Ottavio Vannini à coups de pieds, en déchirant un tableau de Bartholomeus Van de Helst au couteau ou encore en aspergeant un Rembrandt Harmenszoon van Rijn d’acide hydrochlorique, cherche à libérer le véritable signifiant iconographique de vieilles croûtes muséales … Autant le vandalisme contre des pochoirs urbains nous est totalement opaque. Sont-ce des actes de jalousie ou de folie ? Sont-ce des pièges tendus par les forces policières espérant (vainement) que les pochoiristes-victimes manqueront à une des règles premières de leur art - qui est de « never return to a defaced work » - et se feront ainsi pincer ? Ou encore s’agit-il de gestes d’incivilité volontaire et caractérisée qu’il faut réprimer à tout prix ?
Dans un entretien exclusif pour ce blog, l’auteur d’un des pochoirs défigurés concluait de la sorte : « La guerre est déclarée pour de vrai ! ». Cette déclaration, certes un peu excessive mais ô combien compréhensible de la part d’un artiste profondément meurtri et en plein désarroi, ne manque pas de soulever la juste question de la guerre … contre qui ? Contre les auteurs de ces absurdes méfaits … Ou contre l’obstination des autorités, vite échaudées par quelques comités de quartiers en mal de cause socio-bourgeoise, à ne pas reconnaître les pochoirs comme forme d’expression artistique digne de préservation et de protection ? Alors que la couverture du Time couronnant la Personne de l’Année 2008 est un portrait au pochoir de Barack Obama par Shepard Fairey et que les pochoirs de Banksy atteignent des sommes phénoménales en galerie, il serait peut-être temps que tous, unis en une communauté urbaine éclairée, soudée et solidaire, nous reconnaissions l’urgence de faire obstacle à l’immonde barbarie anti-pochoir ! Stop aux (vrais) vandales …

mardi 16 décembre 2008

Monsieur Surpris (Mijnheer Verrast)

Comme vous le savez, les relations entre Bruxelles (majoritairement peuplée de francophones) et certaines de ses communes périphériques (majoritairement peuplées de francophones mais en territoire flamand) sont un peu tendues … Pour quelques politiciens hasardeux, la solution serait d’annexer ces communes flamandes dans un « grand » Bruxelles. Tout simplement. Nous, cela nous arrangerait plutôt bien … Car nous pourrions ainsi vous parler de ce pochoir, ici à droite, sans déroger à notre décision de nous restreindre aux pochoirs et pochoiristes de Bruxelles. Le pochoir dont il est question a en effet été trouvé sur le panneau publicitaire d’une station-service située au coin de la chaussée de Waterloo (Waterloosesteenweg) et de l’avenue Astrid (Astridlaan) à Rhode-Saint-Genèse (Sint-Genesius-Rode), donc hors des limites actuelles de notre belle Capitale. Ce portrait de l’homme surpris est un excellent symbole de l’étonnement, de l’émerveillement, du ravissement, de l’ébahissement perpétuel(s) qui habite(nt) le déambulateur urbain dès lors que celui-ci a « intégré » les pochoirs dans son champs visuel. Si l’objectif premier de l’art est en effet de modifier le comportement des gens, le pochoir remplit pleinement ce rôle … La surprise nous guette à chaque coin de rue, et donc – anticipativement – nous sommes en permanence aux aguets ! Combien de poteaux pris dans la tronche lorsqu’on marche à pied, combien de portières de bagnoles prises dans le guidon lorsqu’on roule à vélo … et que l’on cherche le « prochain » pochoir, celui qui sera forcément plus surprenant que les précédents ? L’expression faciale de notre ami n’est pas le résultat d’un « que fais-je ici ? » ou d’un « que faites-vous là ? » … Il est le miroir de notre propre interpellation socio-poétique lorsque nous découvrons un pochoir sur un mur, une palissade ou un boîtier technique. Le pochoir est fragile et éphémère mais l’émotion qu’il déclenche est riche et éternelle dans le cœur de celui qui le recherche et le trouve. Au gré de nos pérénigrations, laissons-nous donc surprendre.

lundi 15 décembre 2008

Pas de quoi en mourir ...

Vous l’avez certainement remarqué … Les têtes de mort sont partout en ces temps pénibles … Tissus d’ameublement, articles de cuisine, fringues, et j’en passe … Ambiance de crise économique (tout va mal) entrelacée de crise écologique (tout va très mal) morose, moribonde, voire mortelle (mortadelle, quelqu’un ?). Mais tout le monde ne finira pas pauvre … Prenez l’oeuvre « For the Love of God » de Damien Hirst, par exemple : 8601 diamants collés sur le moule en platine d’un crâne humain du 18ième siècle (les dents sont authentiques) au coût de fabrication d’environ 10 millions d’euros et vendu en août 2008 pour 75 millions d’euros à un consortium d’investisseurs … Jolie marge bénéficiaire sur le dos du Grand Faucheur. Horrifié à la pensée que des personnes sont peut-être mortes lors du commerce de ces diamants ou mourront en essayant d’en voler ou d’en défendre la propriété, Hirst déclara : « That’s when you stop laughing ». Que grâce lui soit rendue. Et les pochoiristes, eux, (en) rigolent-ils ? Les représentations de crâne sont éparses sur les murs de Bruxelles … Accompagnés d’os croisés, les crânes pochés font certes symboliquement allusion à la mort mais ils proclament surtout deux thèmes au centre de la démarche pochoiresque : la piraterie (les os se croisent sous le crâne) et l’intoxication (les os se croisent derrière le crâne). Signaux de danger pour la populace dans les deux cas et confusion des positions osseuses partout ... Le pochoir illustré ci-contre, trouvé aux abords de la Place des Barricades, nous le rappelle à bon escient. Raccourci cocasse s’il en est, Damien Hirst a lancé des poursuites judiciaires en décembre 2008 contre un artiste londonien coupable d’un collage comprenant le « For the Love of God » et vendu en-ligne au prix modique de 70 euros. Vous ne me croirez pas … Mais savez-vous quelle est l’activité que not’gamin exerce sous le nom de rue de Cartrain ? Je vous le donne en mille : pochoiriste.

jeudi 11 décembre 2008

Happy birthday !

Quand le Dude est venu honorer les murs de Bruxelles de son immense talent, il nous a laissé - parmi d’autres portraits – cette superbe représentation de Dante Terrell Smith, aka Mos Def, en action. Vous pouvez l'admirer rue des Pierres. Rappeur, acteur, poète, converti à l’Islam et mettant en doute le succès de l’alunissage des missions Apollo, Mos Def est un artiste hip-hop absolument majeur. Avec Talib Kweli, un autre rappeur dont le Dude a fait le portrait (visible rue des Sables), Mos Def a formé le groupe Black Star suite aux meutres de 2Pac et The Notorious B.I.G. afin de dénoncer la violence sous-jacente du mouvement hip-hop. Et puis, autre fait remarquable, il est né le 11 décembre 1973, ce qui explique le titre de ce post. Question subsidiaire : combien de gabarits superposés ont été nécessaires à la réalisation de ce pochoir ?

dimanche 30 novembre 2008

Circulez ! Il y a à voir ...

Les supports urbains habituellement utilisés par les pochoiristes - tels que palissades, murs, portes et volets - sont notoirement peu mobiles. La propagation d’un pochoir dans l’environnement urbain passe donc préférentiellement par sa répétition, à moins de pocher sur un train ou une bagnole. Un outil de dissémination alternatif du pochoir est le panneau de signalisation amovible. Un bon exemple nous est donné ici par Soljah et une de ses applications au verso d’un panneau d’interdiction temporaire de stationnement. L’illustration a été photographiée rue du Bailly en 2008 mais il semble que le pochoir existe depuis 2005 au moins. Au gré de leur utilisation, ces panneaux sont régulièrement rassemblés et redistribués dans les rues des communes et des villes, trimballant avec eux les pochoirs-parasites qu’ils affichent à leur envers. Cette stratégie de dissémination artistico-propagandiste a été exploitée par d’autres artistes dans le passé … Notamment par le brésilien Cildo Meireles (1948 – toujours là) qui, dans les années septantes, ajoutait des messages contestataires (genre : « yankees go home ») sur des bouteilles en verre de Coca-Cola et profitait ensuite du système de consigne pour les envoyer se balader un peu partout dans le pays. Aliénation supplémentaire de notre pochoiriste Soljah : ses motifs d’immeubles renvoient … à la ville ! Signifiant et signifié s‘enroulent donc ici dans une jolie boucle d’amplification urbaine. Et puisque ce panneau nous interdit de nous parquer, nous n'avons d'autre choix que celui de continuer à déambuler ... A la recherche d'autres pochoirs.

Et Dieu vit que cela était bon.

Regardez-le pavoiser ! Au pied du Golgotha, Satan s’apprête à savourer sa victoire … Ce qu’il n’a pu obtenir par la tentation, il est proche de l’atteindre par la crucifixion. Il a bon, le diable. Il ne se doute pas que, dans quelques jours, il se ramassera la baffe de sa vie … Alors laissons le jouir de son hilare arrogance et concentrons-nous sur ce pochoir. Vous ne risquez pas de le voir sur une façade ou une palissade, en effet … Son auteur, JLT, a choisi de ne s’exprimer que sur des murs intérieurs ou sur des supports qui ne sont pas destinés au grand air ! L’exemplaire ci-contre a été poché cet été sur le mur d’une classe de l’ancienne école de batellerie (sise rue Claessens) à l’occasion du festival O[n]ZE organisé par l’asbl Bulex en août dernier. L’œuvre pochoiresque de JLT, encore émergente, est fortement inspirée par ses convictions religieuses et cette réalisation en est un bon exemple. Les références sont fortes et courageuses … L’auteur affirme d’ailleurs lui-même « qu’être un artiste-chrétien est plus difficile, parce que prise de risque, qu’un artiste-anarchique » (extrait d’un interview réalisé pour ce blog). Et ceci explique cela … Le confinement indoor du travail de JLT est la conséquence directe de l’éthique artistique que sa Foi lui commande. Ainsi, « saccager des murs en représentant Jésus est contradictoire, c’est le paradoxe d’une technique » (idem). JLT, pochoiriste de chambre officiant dans l’anti-chambre de l’enfer … Les disciples de Jésus devront se serrer autour de la table, afin d’accepter parmi eux un artiste dont nous espérons pour bientôt la Confirmation … Solennelle.

mercredi 26 novembre 2008

Haut les mains !

Les scientifiques adorent prendre des mesures et faire des corrélations. A force de comparer n’importe quoi avec n’importe quoi, ils arrivent toujours à trouver quelque chose. C’est ainsi qu’est née l’anthropométrie criminelle que l’on doit à des éminents savants comme Johann Kaspar Lavater, William Sheldon et Cesare Lombroso. Comment ça marche ? Simple … On prend des gentils et des méchants, on mesure plein de paramètres comme la longueur de l’oreille droite et celle du pied gauche (vrai !) … puis on compare les deux groupes … et, bing, forcément, ça ne rate pas, on trouve que les gentils et les méchants ont au moins un rapport ou un coefficient différent (genre longueur du nez multipliée par la surface du front divisée par la racine carrée du poids du menton) et donc discriminant. C’est amusant mais déjà un peu moins rigolo lorsqu’on inverse le sens de la déduction et, passant de la population à l’individu, on suspecte quelqu’un d’être un criminel simplement sur base d’un indice anatomique parfaitement crétin. C’est le fameux délit de « sale gueule » cher à Eugène Vidocq … Ceci étant dit, il y a un petit indice anthropométrique sympa que j’aime bien, le « digit ratio », c’est-à-dire le rapport entre la longueur de l’index (D2) et celle de l’annuaire (D4). Pour des raisons dont je vous épargne l’explication (ça tourne autour de l’exposition intra-utérine du fœtus aux hormones testostérone et œstrogène), le rapport D2:D4 est plus petit chez l’homme que chez la femme. Certains savants (encore eux !) pensent y voir un signe de divergence darwinienne, le fait d’avoir un long annuaire par rapport à l’index ayant peut-être permis aux hommes (surtout les hommes-mâles) d’être plus habiles à lancer des cailloux contre les mammouths que les femmes. Nous avons donc fait le calcul 2D :4D de la main pochée « à l’ancienne » sur la façade d’une maison située à l’angle de la rue Meyerbeer et de l’avenue Albert. La moyenne du digit ratio calculé sur les deux pochoirs identifiés sur ces murs est de 0.961, c’est-à-dire pile-poil le résultat attendu pour un homme ! Mais la prudence est de mise dans notre conclusion … Car force est de reconnaître que nous ne savons rien de la proportion de filles parmi les pochoiristes. Pire, il se pourrait que les filles-pochoiristes soient prédisposées à cette activité illégale (et à mieux tenir une bombe aérosol dans leurs mains) suite à une hyper-masculinisation fœtale marquée par un ratio D2 :D4 peu élevé ! Seule solution pour y voir plus clair : que les filles pochoiristes s’avancent et lèvent la main …

dimanche 16 novembre 2008

Derrière les poubelles ...

Jef Aérosol (né en 1957 et pas encore mort) a pris la vague punk en pleine tronche ... Depuis lors, il n'a cessé de nous renvoyer ses flocons d'écume sous la forme de pochoirs-portraits consacrés aux musicos du genre. Pas besoin d'amplification caricaturale ici, l'éclat de génie de l’artiste est dans l'immédiat du découpage, dans la vérité du bombage. Le résultat : une magnifique collection de gueules dont Paris a été la galerie privilégiée ... Mais pas que ! Bruxelles a en effet eu droit à quelques applications du Maître, dont ce garçon assis récemment (re-) découvert sur un mur masqué par un monticule de sacs d'immondices et de meubles disloqués rue des Chartreux. Dire que le même pochoir sur toile se négocie dans les 4.000 euros dans les galeries d’art … Dans l'oeuvre de Jef Aérosol, ce profil (intitulé "Sitting Kid") est associé au flamboyant Johnny Thunders (1952 - 1991, qu'Elvis ait son âme), et plus particulièrement à l'album solo "So Alone" produit par Steve Lillywhite en1978. Johnny Thunders, c'est le punk US faisant la nique au punk UK ... On savait s'amuser à l'époque. La chanson "So Alone"- très curieusement- n'est pas sur l'album vinyl éponyme mais elle contient ce passage digne d'anthologie et que je ne peux m’empêcher de vous citer : "I’m so all alone, I’m so alone, I’m so all alone, I’m so alone". On comprend que le gosse du pochoir l'ait plutôt sombre et lourde. Alors, Jef, pourquoi ne reviendrais-tu pas un de ces jours à Bruxelles nous pocher une copine à not' pauv' gamin, ou alors au moins une console de jeux ? C'est bientôt Saint-Nicolas !

jeudi 13 novembre 2008

Camarades pochoiristes, levez-vous !

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». C’est par ce texte que se termine le film de rap-western « Ma 6-T va crack-er » réalisé au prix d’un bon million d’euros par Jean-François Richet en 1996 (oui, le Richet des Mesrine 1 et 2). Le film raconte la désolation exacerbée et exaspérante des cités. Le texte est l’article 35 de la déclaration française des droits de l’Homme et du citoyen dans sa version de 1793, une variante dissidente de celle de 1789 et prônant davantage d’égalité pour le peuple. Cet article 35 (détecté ici sur un boitier technique au pied de la tour du midi), le pochoiriste bruxellois Monzon en a fait une des munitions les plus redoutables de son « gun » militant pour - justement - un monde plus égalitaire. Pour lui, en effet, « chaque graffiti est un acte de révolte et de remise en question du système capitaliste. Les graffeurs, surtout les pochoiristes, doivent avoir la conscience politique de leurs actes » (extrait d’un interview réalisé pour ce blog). Au travers du groupement Terrorist Art System (TAS) qu’il a fondé naguère pour défendre la cause des pochoiristes, Monzon fournit aux artistes urbains un cadre de revendication anti-inégalité et anti-capitaliste dans lequel le graffiti prend « une énorme importance car c’est un mouvement social … car illégal » (idem). Mais que notre anarchiste prenne garde … Pour avoir milité en faveur de l’application de la déclaration de 1793, le jacobin François Noël Camille « Gracchus » Babeuf a été condamné à mort en 1797 ! C’est agonisant, suite à une tentative de suicide en se mutilant avec un stylet, que le révolutionnaire, meneur des Egaux, sera à son tour mené … à la guillotine. Alors, ami, fais gaffe au cutter !

mardi 11 novembre 2008

Requiem in Pace

Une ville comme Paris ou New York compte environ quatre rats par habitant. Même avec un discount de 50% pour tenir compte de l'aspect nettement plus provincial de Bruxelles, le nombre de rats dans notre belle ville peut nous faire un bon deux millions. Si 0,3 % d’entre eux meurent chaque jour (la longévité d’un rat en liberté étant d’un an), soit 6000 bestioles, il n’est guère étonnant de trouver quelques cadavres çà et là dans les rues de notre capitale. En voici un … bien noir, bien mort, bien raide sur le trottoir de la rue des Poissonniers. Il gît sur le pavé, son misérable statut de vermine le privant d’une sépulture plus digne ou d’une compassion plus fournie. Finalement, tout le monde souhaitait la mort de ce pauvre bougre, non ? Même le pochoiriste qui aurait pu, pour un risque identique, le pocher dans une version ante mortem … Etrange équation entre ART vivant et RAT mort unis dans un anagramme défectueux. Peut-être est-ce pour mieux nous signifier que le pochoir est un acte terminal ? Qu’il n’y a rien (à espérer) au-delà de celui-ci ? En tout cas, le pochoir photographié ici est en remarquable état, considérant son application directe à même le sol. Est-il récent ? Peut-être son auteur est-il toujours dans les parages … Si les forces de l’ordre l’avaient pris en flag’, il serait fait comme un … rat maintenant ! Pour avoir pochoirder ? Naaaan ! Pour avoir confondu le rat gris (rattus norvegicus) des villes avec le rat noir (rattus rattus) des champs et qui n’a donc rien à faire dans le quartier de la Bourse. Que fait donc la police ?

lundi 10 novembre 2008

.I.

Allez-y, faites le test pour voir … Crayon, papier, tracez deux ovales puis un machin plus allongé au milieu … Ajoutez deux yeux vifs et un sourire jovial … Voilàààà, succès de foule garanti ! Tous les dessinateurs et cartoonistes du monde entier vous le diront, ça marche à tous les coups ! Et je sais de quoi je parle, ayant imaginé et dessiné les aventures improbables de deux personnages, Mister Zizi et Miss Fufure, il y a bien longtemps jadis, avant de me … dégonfler et d’abandonner le projet malgré l’insistance populaire. J’aurais pu me faire des couilles en or avec ce truc ! Le pochoir ci-contre, lui, ne manque pas de vigueur ! Trouvé à l’angle de l’avenue de la Toison d’Or et de la rue du Bosquet, il exulte … Son caractère rigolo et rebondi est d’ailleurs un parfait exemple de la facilité comique avec laquelle nous dissocions pénis et phallus, ce dernier étant la représentation du premier. Le phallus peut exister de façon parfaitement autonome, il a sa propre vie, alors que l’autre, là et las, est condamné à rester attaché au pubis mâle et a comme qui dirait plutôt intérêt à y rester. Notre vaillant ami est donc un pochoir phallique et non un pochoir pénien ! D’ailleurs le pochoir pénien (penis stencil) ne s’applique pas sur un mur … c’est un petit gabarit utilisé par les tatoueurs pour orner la … le … enfin, vous voyez, quoi, de certains clients. Evitez dès lors la confusion lors d’un repas de famille ! Terminons par une note historique en rappelant que du temps des romains (les vieux, de l’antiquité), il était fréquent d’orner l’entrée d’une demeure avec une représentation de pénis car ce faire portait chance à ses occupants. Mille mercis donc au pochoiriste de la zigounette pour amener la bonne chance aux bruxellois et bruxelloises. Ils en ont bien besoin par les temps qui courent.

lundi 3 novembre 2008

J'ai chopé un virus ... c'est de saison !

Il prolifère, il pullule, il se propage à la vitesse d’une comète … Ce pochoir « Mami superstar » est tout partout à Bruxelles et se répand jusqu’à … Marseille ! Mais j’ai beau googler dans tous les sens, je ne trouve sous cette orthographe qu’une mention sans explication sur le blog d’une demoiselle (Just Jade) datant de 2005 et même le photographe Fr4nKc, qui a également repéré ce pochoir, ignore tout de sa signification … Bon, soit, et puis quoi ? Ben … et puis rien. On se soigne. Un pochoir qui se multiplie très vite et pour lui-même, sans signification nécessaire mais qui déclenche facilement sa mémorisation, s’appelle un « meme », c’est-à-dire un élément d’information « contagieuse » qui se multiplie égoïstement comme un virus. Dans un court essai intitulé « Stencil Art : A Revolutionary Meme », Russell Howze nous dit que la force virale d’un pochoir - meme réside dans la combinaison de trois propriétés : simplicité, mobilité et adaptabilité (stencilarchive.org). Il est évident que « Mami superstar » possède ces qualités. On pourrait même ( !) ajouter dans notre cas précis que le non-message s’ancre d’autant plus efficacement et durablement dans nos esprits qu’il peut « muter » sans perdre de sa force : super mami, mami star, mami super machin, mamy, mamie, mammy … Le nombre de variations et de permutations (sa mutabilité) est remarquable. Cet incroyable pouvoir de subversion est encore sur-amplifié par le fait que le pochoir - meme peut passer allègrement d’un médium à l’autre et du monde réel au monde virtuel, comme d’un mur à un … blog par exemple. Bref, le véhicule idéal pour une opération de marketing-guérilla. Faut-il donc s’attendre à voir bientôt arriver une série télévisée dont l’héroïne serait une grand-mère un peu flashy ou une nouvelle gamme de desserts préparés avec amour par une vieille cuisinière idéalisée (cheveux gris en chignon, lunettes sur le bout du nez, tablier à carreaux et grosse cuillère en bois) ? Si quelqu’un(e) a de l’information à ce sujet, qu’il nous contacte. Ajoutons pour finir que le « Mami superstar » illustré ci-contre a été photographié sur une porte à la peinture toute écaillée dans la rue Maurice Wilmotte, entre les chaussées de Waterloo et de Charleroi.

vendredi 31 octobre 2008

M'dame, j'dois aller au p'tit coin !

Jackson Pollock, les jeunes lecteurs connaissent ? Oui … Non ? Bon, je résume. Pollock est un peintre américain né en 1912 et mort en se crashant connement en bagnole, complètement bourré, en 1956. Entre les deux dates, notre artiste a, disons, inventé le drip painting qui consiste à charger de la peinture sur un pinceau (brosse, bâton …) et puis se balader au-dessus d’une grande toile posée à plat sur le sol et laisser couler / gouter la peinture dessus. Résultat : plic plic plic et des millions de dollars. Mais ce qui nous intéresse ici à propos de Pollock, c’est l’hypothèse de l’urination … Selon laquelle l’idée de faire du dipping lui serait venue enfant soit (on a le choix) en voyant son père LeRoy pisser sur un rocher, soit en pissant lui-même avec son frère Charles dans la neige ! Comme quoi faire pipi peut être une expérience particulièrement inspirante … D’ailleurs, regardez-le, notre ami ci-contre, donner libre cours à son talent artistique en nous pissant un magnifique « Bush » à la sueur de ses reins. Quelle œuvre magistrale - visible sur un boîtier technique de l’Esplanade de l’Europe devant la gare du Midi - en l’honneur d’un des plus mieux meilleurs présidents des Etats-Unis, quelle virtuosité de la quèquète en homm … Comment ? Vous dites ? Il pisse SUR Bush ? Naaann, come on, qui oserait avoir une idée aussi saugrenue … Dans une ville dont la mascotte est un p’tit gamin (manneken) qui fait pipi partout, j’imagine assez mal que la créativité urinaire puisse être déviée vers de telles funestes expressions. A noter d'ailleurs que ma collection comporte déjà quatre pochoirs bruxellois dont l’urine est un élément primordial. Et puisque nous parlons de créativité, savez-vous que l’urine est riche en métabolites de la créatine, une substance qui facilite l’apport d’énergie à nos muscles, à notre cerveau et à nos (enfin, pour ceux qui en ont) testicules ? Prendre de la créatine en forte dose a en tout cas un effet stimulant prouvé sur le quotient intellectuel … Alors, devrions-nous shooter nos pochoiristes à la créatine pour les booster à produire de beaux pochoirs ? En attendant, je vous invite à faire votre propre Pollock sur jacksonpollock.org et à m’envoyer le résultat de vos élaborations cérébro-urinesques.

samedi 25 octobre 2008

Le fric, c'est chic ...

Avec un revenu fiscal moyen d’environ 15.000 euros par habitant, la commune bruxelloise d’Uccle ne crie pas vraiment misère. Quoi de plus approprié, dès lors, que d’y trouver des pochoirs doucement anti-riches. Un de ceux-ci s’affiche actuellement sur une cabine de la drève de Lorraine, chaussée bien connue pour les quelques énormes propriétés qui la jalonnent. « Ici, le verbe avoir a remplacé le verbe être » … Une façon subtile de rappeler que chez les riches, l’acquisition et la possession priment sur l’émotion et la relation. Et dans un marché mondial du luxe chiffré à 212 milliards d’euros en 2007 (dont 65 milliards pour l’Europe), les riches ne sont pas prêts d’arrêter de se définir d’abord par le prix de leur bagnole (bateau, avion) et de leur baraque (à la mer, à la montagne, sur mars). Chez les bourgeoises (épouses ou maitresses), avoir les seins refaits, le nez refait, les pommettes refaites, les lèvres refaites est dorénavant bien plus valorisant que d’être jolie … Ainsi pour se fixer les idées, en 2007, le marché de la chirurgie esthétique représentait 620 millions d’euros pour la seule Angleterre. Que dire alors de l’art contemporain - summum absolu de l’avoir absurdiste - lorsque l’on voit Damien Hirst en septembre dernier vendre pour 120 millions d’euros de ses œuvres en deux jours ? Prix d’un veau plongé dans un aquarium de formaldéhyde : 13 millions d’euros ! Mais la crise économique, me direz-vous, pourrait-elle contribuer à ré-humaniser nos âmes étourdies par le brillant des bagouzes et le satiné des étoffes ? Oui, peut-être … Les spécialistes admettent en tout cas que le taux de croissance annuel du marché du luxe pourrait bientôt fléchir vers les 2% - venant de 6,5% en 2007 (oh, mon dieu, Georges-Albert, quelle horreur ! Qu’allons-nous devenir ?). Voilà qui laisserait un peu d’argent sur la table, et de temps libre de tout shopping, pour redécouvrir quelques valeurs fondamentales. Comme le partage et la solidarité, par exemple … Dans l’attente que nos riches passent du revenu au rêve nu, prêtons un œil attentif aux messages stencilés de nos courageux robins-des-bois urbains.

Ceci n'est pas un coq wallon

Dans son expression graphique, la culture hip-hop est prioritairement associée aux tags et aux graffs, techniques les plus efficaces pour « laisser sa marque » sur les murs et palissades des villes. Dans la jungle des éclats de traits et des jets de couleurs hip-hop, le pochoir a difficile à tenir et garder sa place … Il n’est pas dans le rythme, il ne véhicule pas les mêmes fonctions d’appartenance et d’affirmation (ou en tout cas pas avec la même violence). Sa finesse souvent monochromatique n’est pas faite pour résister longtemps - et encore moins s’imposer - face aux débordements agressifs des autres formes de street art. On peut presque parler d’exclusion mutuelle, dès lors qu’à la coexistence murale difficile entre tags et graffs d’une part et pochoirs de l’autre, s’ajoute l’aveu de certains pochoiristes d’être réticents à la probabilité de se frotter aux artistes hip-hop dans l’obscurité de la nuit urbaine. Ne soyons cependant pas trop radical … Le célèbre pochoiriste Banksy, par exemple, est nettement impliqué dans le mouvement hip-hop londonien. Il est donc intéressant d’observer que lorsque la collection de vêtements Phoenix Wear décida de « promouvoir sa marque » dans les rues des grandes villes européennes, le pochoir fut embrigadé dans les troupes de l’opération de street marketing … Le logo stencilé de Phoenix Wear se retrouve ainsi à plusieurs endroits de Bruxelles, dans la rue de l’Athénée près de l’Eglise Saint-Boniface dans le cas de l’illustration ci-contre. Créée à Bruxelles en 2000 par Arke et Zao, l’un travaillant dans le textile et l’autre dans le graphisme, la marque Phoenix Wear a gagné sa visibilité dans le milieu hip-hop grâce à ses visuels très forts et, surtout, par son état de révolution stylistique permanente. Dommage que ce dynamisme ne se retrouve pas avec la même intensité dans le coq wallon, légèrement plus lent à renaître de ses cendres minières et sidérurgiques … Mais ça, c’est un autre discours, n’est-ce pas. Alors, en attendant, hip-hopons avec nos amis et vive la révolution !

dimanche 19 octobre 2008

Le point-de-vue d'une chaise

Le pochoir érotique est un ustensile, généralement en plastic ou en carton, que les artisans de l’épilation et du rasage utilisent pour donner une forme particulière (en cœur, ticket de métro, flèche, etc) à une coquine toison pubienne. Ce n’est probablement pas ce type de pochoir érotique que Monzon avait en tête (ou ailleurs) en se la jouant « Manara » sur une façade de la rue Saint-Gery … La belle du pochoir, jambes tendues jusqu’aux orteils, figée dans un arc de plaisir absolu, semble en tout cas – et en toute impudeur – apprécier les moultes joies de la vie. Heureuse chaise, dès lors, que celle qui a l’honneur mobilier d’être complice d’un tel abandon exhibitionniste … D’autant plus que, pour manifester à sa façon son soutien à la cause pochoiriste, ce n’est pas un simple gode que notre demoiselle accueille dans son joli cul … mais une bombe de peinture ! Comme quoi, la bombe sexuelle n’est pas toujours celle que l’on croit … Qu’en est-il au niveau des contraintes anatomiques, me demanderez-vous ? Renseignements pris, la dilatation naturelle d’un anus relaxé et entraîné à la sodomie oscille entre 6 et 8 cm. Le diamètre d’une bombe aérosol étant de 6,5 cm (gamme MTN), c’est de toute évidence vers la délicate limite entre jouissance et souffrance que cette intrusion bombastique emmène la donzelle. Plus sérieusement, le pochoir de Monzon engage deux observations : d’une part, l’illustration contraste avec la moyenne des thèmes graphiques que l’on peut voir sur les murs bruxellois (ici, l’image est plus forte et radicale que le message … elle est le message) et d’autre part l’illustration renvoie directement à une case de bande dessinée extrêmement bien ancrée dans la mémoire collective (la série « Le Déclic » de Milo Manara, relatant les aventures de la ravissante mais coincée Claudia Cristiani). Coup double et de maître pour Monzon … avec l'aide accessoire d’une humble et muette chaise qui n'en pense pas moins.

lundi 13 octobre 2008

Tragique destin

La première fois que j’ai vu ce portrait, c’était sur un poster en papier collé assez haut sur un mur de l’étroit passage de la rue du Nom de Jésus entre le quai aux Briques et la rue de Flandres. Nous étions le 1er août 2008. J’ai été immédiatement charmé par l’émouvante beauté de ce visage, d’une grande douceur un peu triste. J’ignorais alors que ce portrait appartenait à une morte … Adrienne (Levine) Shelly fut en effet retrouvée assassinée le 1er novembre 2006 dans son appartement de Manhattan, alors qu’elle venait d’avoir 40 ans. Actrice, scénariste et réalisatrice, Adrienne comptait quelques beaux mérites cinématographiques à son actif (The Unbelievable Truth en 1989, Trust en 1990, Searching for Debra Winger en 2002, et enfin Factotum en 2005). Son meutrier, Diego Pillco, agé de 19 ans au moment des faits, avoua laconiquement à la police qu’il était de mauvaise humeur en ce jour de Toussaint. Il déclara avoir étranglé Adrienne au cours d’une dispute à propos du fait qu’il faisait trop de bruit en travaillant dans l’appartement situé en-dessous de celui de l’actrice … puis se ravisa et reconnu l’avoir tuée alors qu’elle l’avait surpris en flagrant délit de vol dans son propre appartement. Dans les deux versions, il tenta misérablement de maquiller le meurtre en suicide par pendaison mais laissa trop d’indices sur la scène du crime pour berner les enquêteurs. Adrienne était mariée à Andrew Ostroy et avait une petite fille, Sophie, alors agée de deux ans. Diego fut condamné à 25 ans de prison ferme. En hommage à Adrienne, un épisode de la série télévisée Law & Order (« Melting Pot » diffusé le 16 février 2007 sur NBC) s’inspira largement de cette tragédie. Le pochoir représenté ici se trouve sur un mur bordant un petit terrain-vague de la rue du Faucon dans les Marolles. L’image est identique à celle du poster déjà fort endommagé du quartier Sainte-Catherine et est l’œuvre de Spencer, un des pochoiristes les plus doués de Bruxelles. Merci à toi, Spencer, pour avoir utilisé ton talent afin de rendre la douce Adrienne immortelle sur nos murs … et dans nos coeurs !

dimanche 12 octobre 2008

Félix comme standard

En théorie, la technique du pochoir permet de reproduire à l’identique et à l’infini un motif, une image ou un texte. En pratique, il en va tout autrement … La nature et la texture du support, les inclinaisons accidentelles ou voulues, les bavures et coulées dues à l’urgence ainsi que l’usure du temps et du vent font que chaque « même » pochoir est différent. La question est de savoir si l’aléatoire et la variation s’additionnent - ou au contraire s’opposent - à la volonté de l’artiste de reproduire son message et son passage ?

A cette question en fait aussitôt écho une autre : tous les pochoiristes utilisent-ils cette technique pour se multiplier vite-et-bien dans l’environnement urbain (comme les taggeurs qui désirent laisser leur empreinte visible dans le plus grand nombre d‘endroits possibles) ou est-ce que certains d’entre eux utilisent ce medium simplement parce qu’il leur plait ou convient mieux (parce qu’il permet de préparer l’œuvre à la maison, notamment) ? Dans tous les cas, les variations pochoiresques ne peuvent être négligées dans la contemplation et l’interprétation d’une oeuvre.

Comme exemple, nous prendrons Félix le Chat, dont on trouve aujourd’hui de multiples reproductions aux alentours du centre hospitalier Saint-Pierre (boulevard de Waterloo pour des versions sur brique en béton et sur volet métallique et rue de la Rasière pour des versions sur revêtement en ciment et sur brique jaune). Ce n’est pas un choix livré au hasard … Conçu par Pat Sullivan en 1919 et ensuite développé par Otto Messmer, notre ami félin fut en effet la première image à être diffusée par la télévision - par la station W2XBC pour être précis - en 1929 !

Sous la forme d’une figurine en papier-maché disposée sur le plateau d’un tourne-disque, Felix servait alors de référence aux techniciens de RCA pour le calibrage et le contrôle de la qualité de l’image retransmise. Ce rôle, crucial s’il en est, fut assuré par notre brave Félix pendant une dizaine d’années ! Presque 80 ans plus tard, en ce merveilleux et ensoleillé dimanche d'octobre, il nous sert maintenant de standard pour démontrer la fluctuation imageante des pochoirs d'un emplacement à l'autre. A l'auteur de ce Félix le Chat sifflotant et déambulant de nous dire si ces variations sont voulues ou non, importantes ou non, ou s'il s'en tape complètement.

samedi 4 octobre 2008

Framed !

Sapristi ! Un zozo nous a encadré miss LadyHawke ! Le travail, exécuté au tape, est bien fait ... avec un soin certain ... mais pas sans conséquence. Ce faisant, notre ami nous confronte en effet (intentionnellement ?) à une question majeure : l'importance - ou non - du contexte situationel dans lequel se produit l'application, l'expression puis l'interprétation d'un pochoir. Cette question, à vrai-dire, je me la pose chaque fois que je photographie un pochoir : cadrage serré sur le sujet ou fenêtre généreuse sur le pourtour ? Notre zozo, lui, ne nous laisse plus le choix ! Profitant d'une autorité usurpée mais décisive, il sépare le dedans du dehors de l'image. Il fixe ce qu'il faut voir - et donc sa valeur - par rapport à l'inutile. Gommant par la même occasion, et ça, c'est très con, le pèpette joliment galbé de notre poulette. Bref, telle la croix au sol marquant le meilleur endroit d'où prendre la photo d'un point-de-vue sur un site touristique américain, le gaillard nous dépossède de notre libre arbitre et insinue une transaction mercantile (sinon, pourquoi ?) sous prétexte d'une valeur ajoutée ... que personne ne lui a demandée. L'oeuvre en est-elle affaiblie ou, au contraire, renforcée ? Peut-être revient-il ici au pochoiriste de répondre. En attendant, fredonnons ensemble avec notre regretté Pierre Peret : "ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, regardez-les s'envoler, c'est beau".

mardi 30 septembre 2008

Une fois ...

De retour d’Angleterre, où il a été prendre le thé avec son armée, et en route vers la Germanie, pour aller y descendre des chopes moussues, Jules César s’arrête pour quelques jours dans la paisible (mais humide et marécageuse) campagne des méandres de la Senne. Du tracé des chemins séparant les emplacements des tentes où se sont reposées les troupes romaines, notre quartier des Marolles conservera la trajectoire rectiligne des rues Haute et Blaes ainsi que le strict carré de la place du Jeu de Balle. De cette occupation, il reste peu de pochoirs d’époque … Mais la zone est riche en œuvres contemporaines, notamment autour du Recyclart. Pour un premier « post » de pochoir marollien, cependant, j’ai choisi cette petite étoile mal foutue et abandonnée, que j’ai photographiée rue aux Laines, aux abords immédiats du Palais de Justice, lors d’une de mes premières explorations à vélo. Une façon parmi d’autres de rendre hommage à la vaillance d’un quartier brave et fier - populaire et ouvrier - face à la tentative d’écrabouillement par le « majestueux symbole de la puissance de la Justice » conçu par l’infâme skieve architekt Joseph Poelart. Puisses-tu continuer à briller dans le cœur de notre communauté urbaine, oh Marolles !

lundi 29 septembre 2008

Lis-moi la main

Un jour, il y a 30.000 ans, un homme des cavernes un peu moins caverneux que ses camarades pose sa main sur la paroi d'une grotte, emplit sa bouche de pigments qu'il souffle sur celle-ci, la dégage ensuite et contemple son effet avec satisfaction ... Par cette opération imageante, il s'est arraché à la bestialité pour entrer dans l'humanité. Il a inventé le pochoir ! La technique se compliquera vite avec le temps : pochoir négatif puis positif, silhouette ou motif, paint-brush et paint-spray ... Mais le geste fondamental restera le même pendant trente millénaires. Ce n'est pas un hasard si les peintures rupestres - dont la main est souvent la dédicace - sont enfouies dans la pénombre des grottes ... La même obscurité que celle dans laquelle opèrent généralement les artistes de rue. La chambre noire du photographe. Le pochoiriste contemporain qui appliqua sa main rue d'Edimbourg attendit certainement la tombée de la nuit avant d'opérer. Application dans l'ombre, révélation dans la lumière, humanité cyclique. La peau de bison et la barbe hirsute sont toujours à la mode.

Tandis que roule l'automobiliste excédé et aveugle ...

Celui-là, il est tellement beau que j’ai bien failli tomber de mon vélo en le découvrant sur un muret de la Drève Saint-Hubert ! Puissance d’expression de l’Afrique … Le noir est noir, le blanc est blanc, le profil est masque. Il y a du poing levé dans cette image … Mais aussi de la répétition binaire et de la méthode dominée. Alors que l'automobiliste, par centaines, entre dans et sort de la ville par cette route, ce sont des visages différents qui le salue et l'accompagne. Pour moi, c’est tout simplement le pochoir bruxellois le plus fort du moment. Pas d’autre commentaire, dès lors, que celui du respect.

dimanche 28 septembre 2008

J'ai la banane !

Depuis 1986, l’artiste allemand Thomas Baumgärtel pochoirise sa célèbre banane aux quatre coins du monde … marquant ainsi plus de 4.000 façades de musées, de galeries et d’autres endroits qu’il estime être artistiquement intéressants. Pour beaucoup d’allemands au lendemain de la seconde guerre mondiale (surtout à l’Est) la banane était reconnue comme un symbole de liberté et d’indépendance. Baumgärtel (né en 1960) en fit le « logo non-officiel de la scène de l’art » tout aussi libre et indépendant. L’œuvre du banana sprayer, initiée très curieusement dans le quartier belge de Cologne il y a 22 ans, se retrouve maintenant à Paris, Londres, New York ou encore Moscou … et bien sûr à Bruxelles ! C’est sur la porte d’une maison située dans le bas de la ville que l’on peut voir un magnifique exemplaire de la banane. Stencilée en (vers) 1994, elle ornait à l’époque l’entrée d’une petite galerie privée, appelée APP.BXL et créée par Moritz Küng, un curateur d’origine suisse actuellement responsable du programme d'expositions du campus d’art deSingel à Anvers. C’est en reconnaissance de la qualité du travail artistique de Küng que Baumgärtel appliqua son « sceau » bananier … qui persiste encore aujourd’hui dans un état remarquable grâce à l’attention bienveillante du propriétaire et des locataires de la maison. Mais ce que les aléas du temps et du vent n’ont pas réussi à détruire, l’artiste pourrait bien le faire lui-même … Baumgärtel a en effet décidé depuis quelques années de revisiter le lieu de ses exploits et de « confisquer » certaines bananes et les faisant EXPLOSER ! Le suspense est à son comble … Bruxelles gardera-t-elle encore longtemps sa banane ?

samedi 13 septembre 2008

Où est le loup ?

L'histoire de Ladyhawke, vous connaissez ? Oui ? Non ? Bon, je résume. Un garçon et une fille s'aiment. Un méchant, jaloux, rend leur amour impossible en transformant la fille en faucon et le garçon en loup. Première astuce : la fille est faucon le jour, le garçon est loup la nuit. Ils se croisent donc brièvement deux fois par 24 heures sans pouvoir se toucher. Deuxième astuce, du moins dans une version cinématographique datant de 1984 : une éclipse (jour sans nuit, nuit sans jour) permet aux amoureux de se retrouver ensemble sous forme humaine et d'aller régler son compte au méchant. La malédiction s'arrête illico. Happy end. Le pochoir présenté ici, que l'on retrouve plusieurs fois aux abords de Recyclart rue des Brigittines et rue des Ursulines, me fait penser à une jeune personne hybride fille - faucon qui est peut-être Ladyhawke ... Si c'est le cas, alors le loup ne doit pas être loin ! Nulle trace de lui dans les environs, cependant. Hé, loup-loup, où es-tu ? Amis pochoiristes, amies lectrices, je vous en prie, aidons nos deux amants à se retrouver pour toujours sur les murs de Bruxelles.

London is watching

Une heure à rentabiliser, lundi passé, en attendant mon Eurostar. Je pars faire un petit tour autour des gares de King's Cross et St. Pancras, à la recherche de quelques stencils. Miséricorde ... Presque rien à mettre sous la dent de mon appareil photographique ! Le quartier est complètement sanitisé. La faute à qui ? Il m'est d'avis que les 10.500 caméras publiques et les 500.000 caméras privées qui équipent les rues, cours, parkings et corridors de Londres y sont pour quelque chose. Merci, Big Brother ... La bonne nouvelle est que, selon le groupe CameraWatch, la vaste majorité de ces caméras de surveillance sont - pour des questions essentiellement techniques - opérées de façon illégale ! Faudra-t-il dès lors installer des caméras pour surveiller les caméras ? En attendant la réponse à cette angoissante question, voici l'illustration d'un regard bien Georges-Orwellien trouvé sur une plaque signalétique de Killick Street. Et comme le mentionnait un pochoir vu sur un panneau mobile rue Goffart à Bruxelles pendant l'été : "Souriez, vous n'êtes pas encore filmés". A bon voyeur, salut.

lundi 8 septembre 2008

Schtroumpf, alors ...

Apparition d’un schtroumpf au pochoir dans le bois de la Cambre. Souriant, jovial, bonhomme, notre ami bleuté nous signale cependant une terrible tragédie par le message qu’il exhibe … « Liberté » ! Son entrain rigolard n’est qu’une feinte … Un peu comme la victime d’un home jacking qui, par-dessous un « non non, officier, je vous assure, tout va très bien », tente de signifier à la patrouille qu’elle a un flingue pointé dans la nuque. Mais liberté pour qui, pour quoi ? On sait que les limites du village schtroumpf sont finies et qu’aucun de ces aimables lutins ne l’a jamais quitté de façon définitive. Les schtroumpfs sont-ils retenus captifs, contre leur gré ? Sont-ils en réalité des prisonniers, condamnés à vie à faire le mime du bonheur dans leurs maisonnettes en champignon ? Cette question nous renvoie illico à un autre village bien connu, celui de Portmeirion, duquel John Drake, agent secret britannique et démissionnaire, tente de s’échapper à répétition. Dans le village gallois, c’est un gros ballon blanc, flottant, volant, roulant comme un ovule, qui se charge de ramener les fugitifs - morts ou vifs. Nulle évidence d’un ovule (proportionnellement) géant chez les schtroumpfs … Mais le village n’est-il pas muni d’un dispositif anti-fugue tout aussi blanc, féminin et implacable : la schtroumpfette ?

dimanche 7 septembre 2008

Et butinent les abeilles

Tout le monde aime les abeilles. Tout le monde sauf 230 millions d’individus allergiques au poison de leur dard. Mais, bon … Voir nos courageuses et laborieuses amies ailées manufacturer l’ingrédient bienfaisant des honey smacks et autres honey pops de notre petit-déjeuner ne manque jamais de nous inspirer une jubilation un peu confuse et enfantine. Nous, européens, nous en consommons 380.000 tonnes par an, de ce merveilleux cadeau apidé ! Et notre imaginaire roule et vagabonde … La frénésie des ruches renvoie à celle de nos aimés ministères dans lesquels, à longueur de longues et longues journées, butinent et vire-voltent des milliers de fonctionnaires zélés et disciplinés. Pour notre plus grand bien. Quoi de plus attendu, alors, que de trouver ce joli pochoir d’abeille dans l’entrée d’un des bâtiments du ministère des finances de l’avenue Louise. Entendez-les, bzz bzz, nos serviteurs de l'Etat, préparer leur onctueuse gelée fiscale ! Mais attention … Depuis quelques années, de terribles et mystérieux maux menacent les abeilles et dévastent les ruches de nos contrées. Gare à la contamination.

mardi 2 septembre 2008

Ouch !

Les pochoirs à connotation sexuelle sont relativement rares à Bruxelles. Voici une jolie illustration de ball-busting photographiée rue de l'Eclipse dans le quartier Saint-Géry. Selon cette pratique SM, l'homme se fait volontairement et violemment frappé dans les testicules par sa/son partenaire de jeu ... J'ai un ami qui s'était fait (involontairement mais violemment) explosé une couille lors d'une bagarre en discothèque et qui me confirme que l'expérience est très douloureuse. De plus, la perte d'un testicule peut être psychologiquement très traumatisante ! A ce propos, je ne voudrais pas manquer l'occasion de mentionner la firme américaine Neuticles qui commercialise des implants testiculaires destinés à restaurer la dignité (self-esteem) des chiens et chats castrés. Déjà 250.000 paires de fausses couilles en silicone ont été vendues par Neuticles aux Etats-Unis. Si on estime qu'un homme sur 10.000 est adepte du ball-busting, que 10 % des pratiquants y perdent une couille par an et que le prix d'un implant est d'environ 650 euros, nous arrivons à un chiffre d'affaire annuel d'environ 20 millions d'euros ... Pas mal ! Ceci dit, notre ami dans l'illustration n'est pas encore un cas extrême ... sa compagne ne porte pas de combat shoes à crampons.

lundi 18 août 2008

Génèse

Après avoir vécu à New York, Berlin et Bruxelles, je me suis laissé convaincre de m'exiler à la campagne, loin du bruit et de la pollution. Même si je trouve quelques satisfactions évidentes à mon cadre de vie champêtre, même si mon activité professionnelle me permet de me replonger régulièrement dans l'atmosphère de villes comme Tokyo, Shanghai, San Francisco ou, plus proches, Londres et Paris, l'environnement urbain me manque. J'étais donc à la recherche d'une manière nouvelle de me ré-approprier la ville à temps partiel et c'est un peu par hasard que j'ai trouvé une/la solution : la chasse aux pochoirs en vélo dans Bruxelles. Cette activité, commencée en juillet 2008, s'est très vite prolongée en un besoin extrêmement fort, voire irrépressible, de mieux comprendre le contexte culturel et l'objectif artistique des pochoirs (stencils) et de faire la connaissance de leurs auteurs. Allez à la rencontre des pochoiristes bruxellois et pleinement saisir le sens de leur démarche est le but final de ce blog.