jeudi 23 juillet 2009

Nulle peine tu causeras

L’attaque pochiste sur la petite place du Châtelain, il y a de cela quelques semaines, fût particulièrement soudaine et sauvage. En une nuit, plusieurs façades de maisons et de boutiques - aux couleurs calmes et discrètes - ont été placardées de trois poche-textes différents, tous criards et provocants. Des phrases dont orthographe et grammaire approximatives trahissent sans aucun doute l’impétueuse jeunesse de leur auteur. Le traumatisme porté à ce petit bout de quartier au bonheur d’ordinaire si villageois est profond. Valérie, de la boutique de lingerie Des Hauts et Des Bas témoigne en exclusivité pour ce blog : « On a trouvé ça comme ça, en arrivant un matin. C’est la deuxième fois en quelques mois. La première fois, la commune a été tellement lente à la détente que nous avons repeint la façade nous-mêmes. Cette fois-ci, ils ont été plus rapides. On n’a rien dû demander » avant d’ajouter, comme pour se mettre un peu de baume au coeur : « Le résultat est plutôt réussi, non ? ». En fait, le résultat, c’est mouais tendance non. La comparaison avant / après photographiée sur une maison située à l’angle de la rue du Châtelain et illustrée ci-contre nous montre en effet que le recouvrement réalisé par les autorités communales n’est malheureusement pas vraiment top (presque pire, finalement). Mais bon.
Nous avons également demandé à vgt, célèbre pochoiriste de la capitale, de nous donner son avis sur cette attaque : « Les pochoiristes ont normalement plus de respect que les taggeurs car il y a une démarche, une préméditation, derrière ... Cela m’attriste un peu de voir qu’il y en a qui n’ont pas ce respect-là. Ce sont des gens qui ne font pas ça par passion des pochoirs ». Alors ... Cela veut-il dire qu’il y a des gentils pochoiristes et des méchants pochoiristes, des beaux pochoirs et des laids pochoirs, que certains devraient être admis, tolérés, légalisés et d’autres effacés et punis sans pitié ni pardon ? Et que la clé de cette répartition se trouve dans le psyché démarchant de l’artiste ? Probablement oui, en partie ... Dans le quartier du Châtelain, on peut d’ailleurs trouver quelques pochoirs très sympas qui ne violent ni ne violentent les surfaces sur lesquelles ils ont été appliqués ... Et qui persistent ainsi depuis bien longtemps ! Mais pour les habitants et les commerçants encore meurtris par l’acte récent d’un pochoiriste renégat, la distinction est difficile, voire impossible. Valérie, entourée de ses chatoyants articles de soie et de dentelle, conclut avec fatalisme et résignation : « On attend la prochaine fois ». Vous savez quoi ? On n'est pas très heureux ...

dimanche 12 juillet 2009

Ca-ca ca-nin !

Dans la compétition sans pitié pour le titre convoité de Ville la plus Crottée du Monde, Bruxelles revendique triomphalement la pool position ! Chaque jour, qu’il soleille, qu’il vente ou qu’il pluie, plus de 109.000 chiens défèquent laborieusement et méritoirement sur les trottoirs de notre capitale afin d’assurer que nulle autre cité ne puisse nous ravir cette gloire chiament gagnée. D’après une récente campagne d’hygiène urbaine, en effet, chaque Médor bruxellois produit annuellement 80 kg de matière fécale ! Pas mal, pas mal (fierté locale oblige, applause) ... Mais peut faire mieux ! Parce que - strictement entre nous - cette performance reste clairement en-dessous de la moyenne canidée naturelle (autour de 350 grammes quotidiens). A leur décharge (!), les chiens des villes sont en moyenne plus petits que les chiens des campagnes, souvent nourris de bouffe synthétique à faible valeur déjectionnelle et (honteusement) trop peu fréquemment sortis. Nos champions peuvent donc encore mieux faire ... Ils ont de la réserve sous la pédale. Et, clairement, les messages d’encouragement que leur adressent nos pochoiristes, comme Monzon ci-contre sur un pochoir trouvé rue Vanderkindere, devraient aider nos athlètes canins à se surpasser. Aujourd’hui, la production anale de nos fidèles compagnons bruxellois - si elle était uniformément répartie sur les trottoirs de nos 19 communes - représente une couche de merde d’environ 4 microns d’épaisseur (en tenant compte du fait qu’une crotte de chien se décompose naturellement en 7 jours) ... Pouvons-nous dès lors rêver à, aspirer à, prétendre à 4 millimètres demain, et - à coup d’entraînement de niveau olympique - 4 mètres après-demain ? Personnellement, j’aime l’idée d’une couche uniforme, à la Nutella, sur nos trottoirs ... C’est une formule bien moins stressante que de devoir zig-zaguer entre des « petits paquets » dispersés ça et là ... Surtout quand on marche le nez en l’air à l’affût de pochoirs sur les murs et les palissades de nos rues. Au moins, on sait qu’on splitche-splatche dans la merde, d’office, en bottes ou en escarpins.
Et puis, 4 microns, c’est très proche de l’épaisseur de peinture que les graffeurs et pochoiristes tracent à la bombe sur les supports urbains ... Pour beaucoup de nos citoyens et justiciers, graffs, tags et autres stencils sont en effet des polluants (incivils) équivalents aux cacas canins. Trottoir et mur, ce n’est qu’une question de projection à 90 degrés. Alors, pour bien nous montrer que tout est dans tout et sa réciproque, quelques pochoiristes nous invitent, nous humains, à contribuer à l’effort courageux de nos amis à pattes. Prenons ainsi exemple sur ce pochoir trouvé rue Armand Campenhout et signé de façon très appropriée "KK" ... Aidons nos chiens urbains à hausser le niveau de leur production fécale. Ensemble, nous vaincrons à l’aise. Les doigts dans le ... heu ...

mercredi 8 juillet 2009

The writing is on the wall ...

En 2002, Israël a commencé la construction d’un mur autour du non-état palestinien. Le résultat est une magnifique surface en béton parfaitement monotone et monochrome de 4 millions de mètres-carrés qui ne demandent qu’à être colorés, décorés, animés. Un groupe d’artistes a d’ailleurs récemment entrepris d’y peindre au pochoir un texte écrit par le philosophe anti-apartheid Farid Esack. Ce texte, long de 1998 mots, est - à l’instant où vous nous lisez - en train d’être poché lettre par lettre (il y en a 11643 et chacune mesure 60 centimètres de haut !) en une mono-ligne de 2625 mètres au départ de Ramallah. Hypertrophie inflammatoire de l’index garantie pour les courageux volontaires qui, au bout de 400 bombes aérosols, auront écrit ... l’Histoire. Et comme s’ils n’avaient pas assez de boulot, vous pouvez également leur demander d’apposer un texte de votre composition contre quelques euros (www.sendamessage.nl). Comme vous le voyez, je n’ai pas résisté à l’invitation ! En même temps, je n’ai jamais autant souhaité qu’un mur plein de tags, graffs et stencils disparaisse au plus vite ... Etrange.