lundi 31 août 2009

Bulexiiii, c'est finiiii (air connu)

Les parties Bulex à l’école de la Batellerie, c’est fini ! Samedi nuit était la dernière d’une merveilleuse épopée ... Bientôt, en effet, les bulldozers et autres hardies pelleteuses viendront aplatir ce qui fut depuis 2006 un des lieux les plus festifs de la capitale du monde libre ! Ambiance groovy dans la salle de gym, minimale dans le réfectoire, balkanisante dans la cour et électro-pop sous le préau. Telle était la magie polymorphe de l’école qui s’efface maintenant ... Et pour y construire quoi à la place ? Je vous le donne en mille : une autre école ... une école de police. Hé hé hé. Bref, dans les gravats disparaîtront les vestiges de fêtes et de festivals inoubliables. Dans les briquaillons s’évanouiront quelques belles fresques au pochoir dont celle illustrée ci-contre et oeuvrée par JLT. Elle représente un de ses amis DJ de JLT, poché grandeur nature sous son code paranoïaque de Sinn 82849. Comme se rappelle JLT à propos de son amis et d’autres de ses pochoirs-portraits : « Les textes qu’ils ont écrit à côté de leur portrait correspond à leur code parano. On ne maîtrise pas toujours les agissements de ses modèles. Et quand l’oeuvre est sur le mur, elle n’appartient plus à l’artiste, mais un peu à tout le monde. C’est pour eux une belle mise en valeur de leur personnage ». Au fil des ans, les murs de l’école de la Batellerie, se sont revêtus d’une émotion toute particulière grâce au Bulex. Alors la toute dernière fête, samedi passé, a voulu être la plus brave et la plus belle. Un peu mélancolique, certes, avec une p’tite boule dans la gorge, mais sans commune mesure avec ce qu’ont dû ressentir les fidèles et dévoués organisateurs du Bulex. Laissons Dominique, le chef-bulexeur, nous donne son sentiment : « Le pincement au coeur, ce sera lundi matin, quand je remettrai les clés ! ». Nous, on imagine déjà de nouvelles troupes policières - fraîchement promues et fièrement diplômées - sortir en rang serré et gracieuse cadence de leur académie toute neuve pour patrouiller nos rues et y pourchasser malfrats et ... graffiteurs. Drôle de revers. A moins ... à moins que ... touchés par l’inspiration des lieux, nos amis ne se vouent plutôt à la protection de l’art urbain. On peut rêver. En attendant, le Bulex - éternel nomade depuis ses premières soirées d’artistes et d’amis en 1986 - se cherche un nouvel endroit.

lundi 24 août 2009

C'est la totale !

A Bruxelles, capitale européenne de la démocratie, photographier des pochoirs est un motif apparemment suffisant pour être interpellé, questionné et fouillé par la police. Trèèèèès énervés, les trois gardiens de la paix suants et suintants sous la canicule de ce bel été, la semaine passée dans la commune d’Ixelles, lorsqu’ils m’ont assommé de questions à la « pourquoi est-ce que vous photographiez des graffitis ? qu’est ce que vous transportez dans votre sac ? Est-ce que vous connaissez celui qui a fait ce graffiti ? » ... Sans oublier l’aimable et inoubliable injonction « répondez à mon collègue ! ». Et bien, non, il n’y avait ni bombe aérosol ni marqueur dans ma besace ... Et bien, oui, cette fouille était parfaitement abusive et inutile. Mais je comprends, allez. On est tous un peu humain, hein ... Et c’est vrai que les rues du quartier ont été récemment pochées d’un abondant « Total 10 » qui n’a épargné ni palissade de maison naguère incendiée (comme ici rue de Stassart), ni fraîche devanture de magasin (comme dans la rue du Berger) ni jolie façade de maisonnette (comme dans la rue Keyenveld). Agressivité un peu inhabituelle d’un pochoir fort vandale par rapport à la pratique moyenne nettement plus polie et respectueuse. Mais alors ? « Total 10 » avec un gros point noir par-dessus ... mmmmh, voyons, voyons, mais ne serait-ce point (sic) une publicité pour la dernière compilation du label Kompakt basé à Cologne et dont la sortie en dur est annoncée pour ... aujourd’hui ? Ouiiiiii, alors, c’est fête ! Parce que Kompakt a toujours été un de mes labels fav’ et que sur cette compilation figure un de mes remixes tout aussi fav’, le très éthéré Wighnomy Likkalize Love Rekksmi de « No Turning Back » de Gui Boratto (07:13). Aussi recommandé, l’angoissant « Berg und Tal » de Wassermann aka Wolfgang Voigt (06 :43). Follow-up plutôt comique du traumatisant incident policier d'Ixelles, je me suis retrouvé quelques jours plus tard chez l’épicier du coin (un coin hors de Bruxelles) à faire la file juste derrière l’ancienne ministre fédérale de la justice (celle avec un J vraiment très minuscule). Oui, ze ministre (socialiste) qui fut responsable, en son temps d'il y a peu, de la pénalisation des graffitis dans notre patelin pays ... Tunique orange sur pantalon blanc pour elle, t-shirt brun sur jeans troués pour moi ... Nos regards se croisèrent l’espace fugace d’un instant gracieux mais sans plus. Ni échange verbal ni contact corporel. Je n’avais finalement rien à lui dire. Et encore moins à lui faire. Art urbain et musique électronique ... Que voulez-vous que cette noble et notable dame y comprenne ? Je ne sais pas quel était son total à la caisse mais le mien était de 10 euros pile (pour du gruyère rapé, de la sauce bolo et quelques pâtes). Total 10 ! C'est tout bon.

dimanche 9 août 2009

Le pochoir fait le trottoir ...

Au pays des pochoirs petits et monochromes, l’application au sol (directement par terre, quoi) n’est pas fréquente. En regardant bien où vous mettez les pieds (diminuant ainsi le risque de marcher dans une crotte de chien), vous trouverez peut-être quelques textes ou signes pochés sur les trottoirs bruxellois ... mais ceux-ci restent une exception numérique par rapport aux murs et palissades. Pourtant le « sidewalk stenciling » ne manque pas d’avantages et de charmes. L’usage est discret (je fais semblant de renouer le lacet de ma chaussure et ... pschiiiiiit ... c’est dans la « poche »), l’opération se pratique nettement sous la ligne de balayage ophtalmique des agents de la maréchaussée (derrière une bagnole, une vieille dame tirant son caddy, une poubelle) et sur une surface clairement identifiée comme voirie publique (donc pas privée) ... Enfin, son résultat est d’autant mieux mis en valeur qu’il est isolé des nombreuses pollutions verticales que sont les panneaux, enseignes, affiches et autres communicants mercantiles ou disciplinaires qui sur-saturent continuellement notre champ de perception visuelle. Bref, pour un pochoir, il serait difficile d’être encore plus « fondu » dans la routine urbaine quotidienne, tant le trottoir est à la fois un des éléments collectifs premiers de la ville (spatialement translationnel entre rue et immeuble) et un lieu d’expérience individuelle primale pour chaque piéton, poussettiste et - parfois - cycliste. Un idéal de situation(n)isme ! Face à tous ces attraits, la faible fréquence des pochoirs terrestres à Bruxelles est donc difficile à expliquer. L’exemple que nous en donnons ici est un portrait non signé (mais très certainement attribuable à Siul) que nous avons trouvé rue Saint-Roch, dans le bas de la ville. Si nous pouvions contacter l’auteur, nous lui demanderions certainement comment il gère l’équilibre délicat entre la gracieuseté de l'action pochoiresque au sol et la seule conséquence fâcheuse de son choix, qui est de se faire marcher sur la gueule dix, cent ou mille fois par jour ? Mais nous n’avons pas réussi à identifier le visiblement juvénile et souriant Siul.
En complément international à cette illustration bruxelloise, nous avons sélectionné dans nos gigantesques archives deux autres poch-traits également plaqués au sol. Le premier est de Féfé (aka Féniski, un rappeur français) photographié rue des Halles à Paris et le second est de Spud (aka Eric Campbell, un hip-hoppeur américain) photographié sur Spring street à New York. Dans ces deux cas, interestingly, la posture situation(n)iste du pochoir au sol est prise à contre-pied (!) puisqu’il s’agit d’utiliser une mise-en-rue artistique originellement désaliénante (rappel : l’horizontalité du sol l’éloigne des signaux consuméristes verticaux) pour ... justement ... promouvoir la vente d’albums de musique ! Donc, l’équation revient ici à : « OK, tu me marches sur la gueule mais je te fourgue mon CD en échange » ... L’ami Siul échappe-t-il, lui, au tupsy-torvy insidieusement commis par Féfé et Stud ? Inconnu au rayon des lyricistes mélodieux, on pourrait se dire, à défaut, que « oui », son acte est probablement innocent et désintéressé ...
Mais c’est compter sans les pirouettes de la destinée urbaine qui font que la rue Saint-Roch soit dans un des très rares quartiers de notre plutôt prude et puritaine capitale où la prostitution libre (non-close) est, sinon officiellement tolérée, du moins joyeusement pratiquée ! Femmes de joie et travelos de joie y déballent en effet leur marchandise vénale à même le trottoir à toute heure du jour (un peu) et de la nuit (beaucoup). Donc, pour Siul, l’équation revient peut-être à : « OK, tu me tapines sur la gueule mais en échange de » ... de quoi ? De zieuter sous la jupe des péripatéticiennes ? Mon dieu, lui seul le sait. Et peut-être est-il, malin, encore plus proche de la démarche situation(n)iste qu'on ne pourrait le penser, puisque celle-ci cherche en effet à créer des situations alternatives dans lesquelles les désirs humains les plus primitifs se réalisent. (ndlr : si c'est le cas, alors chapeau !). En attendant, un peu plus de « sidewalk stenciling » à Bruxelles ne serait pas de refus.

vendredi 7 août 2009

Hasard à Paris ...

L’exposition « Né dans la rue – Graffiti » assemblée à la Fondation Cartier (Paris) et visible jusqu’à fin novembre (2009) ne présente aucun pochoir. Curieux, bizarre et honteux mais c'est comme ça. C’est donc le signe d’une juste justice justicière qu’au sortir de cette exposition nous ayons rencontré un pochoiriste à l’oeuvre sur une palissade attenante du boulevard Raspail ... SOE2 est un jeune artiste parisien multi-format - entendez encore en phase expérimentale de recherche de son soi-même authentique - dont les pochoirs reprennent souvent des signes et motifs très « graff’iques » (têtes de flêches, figuratifs de spray-bombes). La maîtrise de la technique, en tout cas, est déjà affirmée. SOE2 construit ses gabarits en carton-mousse, dont les ponts sont renforcés avec des cure-dents et dont les motifs peuvent s’assembler en compositions variables et variées.
Mais pourquoi SOE2 ? L’artiste nous répond : « J’aime le son, so-hé, comme souhait et soi-même ... C’est un peu un jeu de mots en fait, c’est personnel ». A l’écoute des propos doux et riches (et aussi un peu idéalistes, mais ça, c’est l’âge) de SOE2, on écartera donc l’hypothèse d’une inspiration nominale belliqueuse dérivée de jeux vidéo guerriers comme State of Emergency ou Soldiers of Empires. L’artiste continue : « J’aimerais faire des oeuvres de grande taille, avec des effets, comme des trompe-l’oeils ... J’essaie différentes techniques ... Je voudrais aussi intéresser les gens de la Fondation, là, mais c’est pas facile ». Oui, ça c’est clair que cela ne doit pas être facile ... et pas prioritaire non plus ! SOE2 a en effet encore beaucoup à nous donner dans la rue, entre gravat et ozone, avant d’aller se (faire) muséifier ... Et puis, il devrait un peu voyager, se cogner à d'autres styles, aux origines, à d'autres urbanités. SOE2 nous confie : "Oh oui, New York, c'est mon rêve ... Aller faire des graffitis là-bas ... Mais, je ne parle pas anglais !". Alors, si quelqu'un a une vieille méthode Assimil à partager avec notre ami, c'est le moment. Et espérons que les pochoirs de SOE2 seront de plus en plus nombreux, sur les murs d'ici et d'ailleurs, dans un bel et proche avenir ! Vive Paris, vive la France.