dimanche 27 décembre 2009

C'eeest la luuutte finaaale ... (sur un air connu)

Les poubelles et les pochoirs de Bruxelles ont en commun d’être visés par le même Plan de Lutte contre les Incivilités en matière de Propreté Publique (PLIPP en court). Objectif du plan : Combattre les actes inciviques de salissure et de nuisance afin de rendre la ville plus belle pour ses habitants. Ainsi, une poubelle sortie sur le trottoir en dehors des heures réglementaires est punissable d’une taxe d’incivilité de 50 € par sac et d’une amende administrative de 75 à 150 € tandis qu’un graffiti apposé sans permission est susceptible d’une taxe de 150 € par dessin et d’une amende de 250 €. Curieusement, le fait d’exproprier ces mêmes habitants et de laisser pourrir leurs maisons à des fins de spéculation immobilière n’entre pas dans le champ (de bataille) de cette action courageuse, citadine et citoyenne. Curieusement aussi, le fait que « certains » habitants, occupants ou passants puissent trouver que « certains » tags, graffitis ou pochoirs embellissent la ville n’a pas été pris en compte par nos édiles radicalo-hygiénistes. Mais revenons à nos poubelles ... La ville en produit environ 463.000 tonnes par an dont 75% en ordures ménagères et 12% en papiers-cartons. La probabilité de trouver un pochoir parmi ces poubelles est faible mais pas nul ... Il y a quelques mois, en effet, en me promenant Chaussée de Vleurgat, j’ai eu l’étrange émoi d’apercevoir deux pochoirs perchés au-dessus d’un amas de sacs d’ordures ! Une analyse scientifique approfondie révéla que ces deux pochoirs avaient été dessinés sur des feuilles blanches au format 27 x 36 cm et ensuite collés et plastifiés sur une grande farde de 51 x 33 cm, elle-même assemblée à partir d’un carton de récupération. Les deux personnages représentés ainsi en un couplage plutôt inattendu étaient un chérubin vu de face (à gauche) et un individu vu de dos (à droite). Ma tentative d’identifier l’auteur des pochoirs en glissant un message dans les boîtes aux lettres des maisons adjacentes fut vaine. Ma tentative de comprendre ensuite l’association signifiante de ces deux pochoirs en recherchant des banques d’images fut tout aussi vaine. Mais une chose est sûre, cependant : La chasse aux pochoirs dans les rues de Bruxelles, qu’elle soit sportive ou répressive, exige l’oeil vif et la réaction prompte ! Puissent les agents du PLIPP - en planque pendant de longues heures sous d’habiles camouflages dans l’effort d’une prise en flagrant délit de poubelle ou de graffiti - apprendre à préférer la performance athlétique au réflexe punitif !

samedi 19 décembre 2009

Ceci n'est pas un Banksy.

Comme le disait si justement notre défunt ami Charles Caleb Colton (1780 - 1832) : « L’imitation est la plus sincère forme de flatterie ». L’homme, grand collectionneur d’art (l’histoire ne dit pas s’il possédait des pochoirs) un peu margoulin sur les bords y aurait certainement été de sa petite citation s’il s’était promené dans Bruxelles en notre époque et avait noté la présence sur les murs de la ville de pochoirs fort inspirés de Banksy. Les rats pochés rue de la Cigale et rue du Concours sont en effet des copies - un peu approximatives mais quand même - d’oeuvres du Maître bristolien (1974 ou 1975 - heureusement pas encore mort). Belle reconnaissance d’un pochoiriste par un autre pochoiriste ... Mais qui pose au passage l’intéressante question du droit d’auteur quand il s’agit d’art urbain illégal et anonyme ... Banksy, qui cultive l’invisibilité comme d’autres les salades et les patates, pourrait-il en effet revendiquer des dommages et intérêts à son flatteur ?
Comme le rappelle un ami avocat spécialisé dans ce genre de situations : « En vertu de la loi du 30 juin 1994, seul l’auteur d’une oeuvre littéraire ou artistique a le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction ». Et de compléter son avis avec la mise en garde suivante : « Dans l’hypothèse où le pochoiriste reproduit une oeuvre sur laquelle il ne détient pas les droits, la reproduction illicite pourrait constituer une atteinte au droit patrimonial de l’auteur initial mais également une atteinte à son droit moral dans la mesure où la reproduction constituera certainement une déformation de l’oeuvre originale ». Dans le cas de Banksy, nous savons que son propos picturesque est - délivré dans un emballage souvent humoristique borderline poétique - franchement politique et polémique (anti-capitaliste, anti-militariste). Comme nous ne savons pas si le flatteur est animé du même sens moraloïde, il y a bien danger de déformation. Ceci étant dit, contrairement à de vils marchands qui commercialisent sans vergogne des reproductions non autorisées de pochoirs de Banksy, la confraternité et surtout l’absence de lucre apparent dans le chef de notre flatteur devraient d’autant adoucir la pénalité si sentence devait être appliquée. Et tant que nous y sommes à flirter avec la justice, pourquoi ne pas auto-dénoncer le titre de ce billet qui rappelle sans ambiguité aucune la célèbre phrase peinte par un autre Maître, belge cette fois, René Magritte (1898 - 1967), dans le tableau « La Trahison des Images », en l’occurrence : « Ceci n’est pas une pipe » ? Il nous est d’avis que si Magritte et Banksy s’étaient rencontrés, ils se seraient bien plus, tant leurs rapports respectifs avec la réalité et ses représentations offrent des similitudes pour le moins surréalistes. Au fait, savez-vous d’ailleurs que Magritte s’est essayé au pochoir ? D’après le génial pionnier du pochoir bruxellois qu’est Metalic Avau (1945 - toujours alive and kicking), on en distingue l’évidence dans un tableau intitulé « Le Barbare » datant de 1927 ou 1928. Le tableau représentait Fantomas poché à l’encre de chine sur un mur de briques. L’oeuvre de Magritte a malheureusement été détruite lors d’un bombardement sur Londres pendant la guerre de 40 ... Comme quoi, les ponts entre Belgique et Angleterre sont redondants dans l'histoire fascinante des pochoirs.