samedi 19 décembre 2009

Ceci n'est pas un Banksy.

Comme le disait si justement notre défunt ami Charles Caleb Colton (1780 - 1832) : « L’imitation est la plus sincère forme de flatterie ». L’homme, grand collectionneur d’art (l’histoire ne dit pas s’il possédait des pochoirs) un peu margoulin sur les bords y aurait certainement été de sa petite citation s’il s’était promené dans Bruxelles en notre époque et avait noté la présence sur les murs de la ville de pochoirs fort inspirés de Banksy. Les rats pochés rue de la Cigale et rue du Concours sont en effet des copies - un peu approximatives mais quand même - d’oeuvres du Maître bristolien (1974 ou 1975 - heureusement pas encore mort). Belle reconnaissance d’un pochoiriste par un autre pochoiriste ... Mais qui pose au passage l’intéressante question du droit d’auteur quand il s’agit d’art urbain illégal et anonyme ... Banksy, qui cultive l’invisibilité comme d’autres les salades et les patates, pourrait-il en effet revendiquer des dommages et intérêts à son flatteur ?
Comme le rappelle un ami avocat spécialisé dans ce genre de situations : « En vertu de la loi du 30 juin 1994, seul l’auteur d’une oeuvre littéraire ou artistique a le droit de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction ». Et de compléter son avis avec la mise en garde suivante : « Dans l’hypothèse où le pochoiriste reproduit une oeuvre sur laquelle il ne détient pas les droits, la reproduction illicite pourrait constituer une atteinte au droit patrimonial de l’auteur initial mais également une atteinte à son droit moral dans la mesure où la reproduction constituera certainement une déformation de l’oeuvre originale ». Dans le cas de Banksy, nous savons que son propos picturesque est - délivré dans un emballage souvent humoristique borderline poétique - franchement politique et polémique (anti-capitaliste, anti-militariste). Comme nous ne savons pas si le flatteur est animé du même sens moraloïde, il y a bien danger de déformation. Ceci étant dit, contrairement à de vils marchands qui commercialisent sans vergogne des reproductions non autorisées de pochoirs de Banksy, la confraternité et surtout l’absence de lucre apparent dans le chef de notre flatteur devraient d’autant adoucir la pénalité si sentence devait être appliquée. Et tant que nous y sommes à flirter avec la justice, pourquoi ne pas auto-dénoncer le titre de ce billet qui rappelle sans ambiguité aucune la célèbre phrase peinte par un autre Maître, belge cette fois, René Magritte (1898 - 1967), dans le tableau « La Trahison des Images », en l’occurrence : « Ceci n’est pas une pipe » ? Il nous est d’avis que si Magritte et Banksy s’étaient rencontrés, ils se seraient bien plus, tant leurs rapports respectifs avec la réalité et ses représentations offrent des similitudes pour le moins surréalistes. Au fait, savez-vous d’ailleurs que Magritte s’est essayé au pochoir ? D’après le génial pionnier du pochoir bruxellois qu’est Metalic Avau (1945 - toujours alive and kicking), on en distingue l’évidence dans un tableau intitulé « Le Barbare » datant de 1927 ou 1928. Le tableau représentait Fantomas poché à l’encre de chine sur un mur de briques. L’oeuvre de Magritte a malheureusement été détruite lors d’un bombardement sur Londres pendant la guerre de 40 ... Comme quoi, les ponts entre Belgique et Angleterre sont redondants dans l'histoire fascinante des pochoirs.

1 commentaire:

Stencil History X a dit…

A la recherche immédiate de photos de cedit "Barbare" !! et merci pour ce billet qui, dans une prose fort agréable à lire, met en exergue le manque d'imagination de nos artistes de rue d'une part, et leur manque de virtuosité dans la copie d'autre part... Je te conseille d'ouvrir une école dont les bancs seraient destinés aux leçons académiques et à l'étude d'après nature...